5,0 sur 5 étoiles
Impitoyable et souriant
Commenté en France 🇫🇷 le 14 septembre 2019
Les “spécialistes” nous ont déjà annoncé tant de catastrophes encore à venir qu’il existe dans ce pays une forte suspicion à l’égard des diplômes et casquettes, et que nous sommes sans doute nombreux parmi les ignares à souffrir d’une carence de confiance. Jancovici peut soigner la vôtre comme il a guéri la mienne, par un discours substantiel et précis, vierge de blablabla et de sentimentalité [1], mais bourré d’arguments, de chiffres, et, pour moi du moins, de surprises. Ce ne fut pas la moindre de découvrir que le photovoltaïque n’était, dans la lutte contre les GES, qu’un gadget bidon (« Dans le cas où les cellules en silicium ont été fabriquées en Chine et où le panneau est utilisé en France, le kwh photovoltaïque est un peu plus riche en CO2 que l’électricité de réseau! ») et les éoliennes itou, dans la mesure où elles impliquent (p. 136) d’être couplées à 3 ou 4 fois plus d’énergie fossile pour compenser l’intermittence de leur production, dont les excès sont vendus à perte, le stockage n'allant pas de soi. Comme, si j’ai bien compris, tous nos sites à barrages ou presque sont déjà occupés, reste le solaire à concentration (au sud-Maroc, de préférence)… et le nucléaire, mais oui, qui nous vaut déjà l’électricité la moins chère du monde! Vive De Gaulle! L’auteur est à fond pour, et ses arguments laissent parfois rêveur : « le bilan de Tchernobyl se compte en milliers de victimes et centaines de morts, soit un ordre de grandeur en dessous de l’accident de l’usine chimique de Bhopal, en Inde, qui fit en 1984 plus de 3000 morts et dix fois plus de blessés. » Mais bon, si c’est ça ou rien… seulement de temps en temps… et de préférence ailleurs…
Jancovici, qui se présente pseudo-modestement comme “comptable du carbone”, n’est ni agro-collapsiste ni survivaliste : tout son livre, mince mais dense (et imprimé trop menu, avis aux vieillards!), sans dissimuler la nécessité d’une rétraction, s’emploie à expliquer comment nous en sommes arrivés là, et, à l’échelle du pays et de la planète, à quelles conditions on peut s’en sortir. Bien que l’ouvrage date de 2011, et que, si j’en crois notre plus récente fin juin, le temps presse, aucune de ces conditions n’est en cours de remplissage à ce jour : on continue de crailler : “croassance!”, de laisser rouiller les lignes de train en faveur de bus à la cron (et allemands, au surplus!), et d’applaudir à l’obsolescence programmée… Comme j’ai un peu honte du mois d’oubli qui s’interpose entre la lecture et cette recension (de ce fait superficielle), je conseillerais plutôt à qui ne connaît pas encore cet expert caustique et marrant ses vingt heures de cours (en huit grosses tranches) de juin 2019 à l’École des Mines, d’accès libre (mais coûteux en carbone : je ne m’en remets pas encore!) sur YouTube : les histogrammes sont flous, les interventions d’élèves inaudibles, mais quelques chiffres mis à jour, et certains sujets abordés, qui donnent froid dans le dos (je pense aux prétendues “réserves” des États du Golfe, par exemple).
[1] Ex. p. 61-62 : « Si nous prenons les choses d’un point de vue macroscopique, un calcul d’ordre de grandeur indique que la dépense médicale représente au moins 5% des émissions de gaz à effet de serre de la consommation finale d’un Français. Et, si nous juxtaposons ce constat avec le fait que la consommation médicale se concentre pour l’essentiel sur une faible fraction de la population (personnes en fin de vie, en maladie longue durée ou avec un handicap lourd), nous voyons que l’idée assurément sympathique qu’une société doit prendre soin de ses citoyens les plus faibles a une contrepartie très significative en termes d’énergie et d’émissions. Les bons sentiments sans kilowattheures risquent d’être un peu plus difficiles à mettre en œuvre! Du reste le dénuement a toujours poussé à l’absence de pitié, sentiment pouvant être considéré comme un luxe de nanti, qui peut donner sans se retrouver dépossédé lui-même. » Moi qui tomberai bientôt sous le coup de cette euthanasie dont il nous menace à mots couverts dès qu’élu, je goûte tant le parler-vrai que je voterais quand même pour lui.
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